danse jazz oubliée

La danse jazz oubliée des scènes françaises ?

Dynamique et très apprécié dans les écoles, la danse jazz est malheureusement oubliée par les institutions culturelles, au contraire de la danse contemporaine.

Même si le jazz ne se danse plus forcément sur de la musique jazz, on y retrouve la relation aux sonorités et au rythme propre à ce style.

«C’est la danse la plus pratiquée en France, mais c’est la plus absente de la scène française»

Wayne Barbaste, chorégraphe et fondateur de la compagnie Calabash, à Lyon.

Wayne Barbaste résume ainsi le paradoxe de la danse jazz, grande absente des programmations chorégraphiques de l’Hexagone.

Née aux États-Unis, la danse jazz se pratiquait à l’origine en couple par les Noirs américains sur des musiques jazz. Elle s’est progressivement enrichie de nombreuses influences, allant du charleston aux danses traditionnelles européennes. Dans les années 1940, plusieurs chorégraphes, comme Jack Cole, en ont fait une danse académique pour l’amener sur scène.

Elle est arrivée en France plus tardivement, notamment sous l’influence du danseur et chorégraphe Matt Mattox. Très populaire, elle est également devenue la reine des comédies musicales. West Side Story, Chicago ou encore Sweet Charity n’en sont que quelques exemples parmi d’autres.

Danse jazz : Katherine Dunham Dance Compagny
Katherine Dunham Dance Compagny
Danse jazz Comédie musicale : A Chorus Line
Comédie musicale : A Chorus Line

La danse jazz oubliée malgré un style divers et métissé !

Malgré toutes ces évolutions, certaines caractéristiques perdurent. Même si le jazz ne se danse plus forcément sur de la musique jazz, on y retrouve la relation aux sonorités et au rythme propre à ce style. 

«Le jazz, c’est le travail sur la rythmicité, la polyrythmie, la syncope. Ensuite, c’est comme faire la cuisine : chacun va organiser ça comme il le souhaite pour créer quelque chose»

Wayne Barbaste

Dans sa gestuelle aussi, ce style a un certain nombre de spécificités. La danse jazz se caractérise par du déséquilibre, l’isolation de certaines partie du corps. Il y a une part très importante à l’improvisation, et l’attention portée aux appuis dans le sol.

Quand je parle de la danse, en fait, je parle aussi de la culture jazz. C’est la musique, c’est la danse, c’est une façon d’être, de penser, de résister, de s’engager au niveau politique et social. Elle est à la fois très présente et très absente en France. D’ailleurs, tout ce que le hip-hop est aujourd’hui, le jazz l’est déjà depuis plus de trente ans. Le hip-hop, c’est l’enfant du jazz.

Wayne Barbaste

Le contemporain s’enrichit et la danse jazz continue à se quereller

Elle a un succès international grâce à des compagnies comme Alvin Ailey ou les Ballets Jazz de Montréal. Elle est très populaire auprès des élèves des écoles de danse. Malgré cela, la danse jazz est très peu présente sur les scènes françaises.

Pour Wayne Barbaste, les raisons sont à chercher dans son histoire dans l’Hexagone.

«Les personnalités de la danse jazz n’ont pas su se rassembler et mettre en place de vrais dispositifs qui permettaient de l’identifier comme une danse créative. Dans les années 1970-1980, il y a eu un vrai engouement pour la culture jazz en France. Ça a donné une certaine popularité à des chorégraphes, ou a des professeurs de danse» . Ce qui a aussi amené à des rivalités. «Dans la danse contemporaine, ils ont su se mettre autour d’une table et discuter, pour amener les pouvoirs publics à développer ce style. En jazz, ils ont eu cette opportunité mais ne l’ont pas saisie, par individualisme.»

Une danse de métissage

Ces rivalités peuvent se définir aussi par l’existence de débats sur la définition même du jazz. C’est une danse de métissage, on a du mal à savoir quand elle commence et quand elle finit.
Est-ce qu’on inclut le cabaret ?
Peut-on inclure certaines danses de rue, comme le Street-jazz, et où est la frontière avec le hip-hop ?
Est-ce qu’on inclut les shows commerciaux façon Disneyland ?
Certains puristes ont voulu la garder telle qu’elle était dans les années 1970-1980. Ils ont considéré que certaines évolutions n’étaient plus de la danse jazz. Au fur et à mesure du temps, on a vu la danse contemporaine s’enrichir. Tandis que la danse jazz continuer à se quereller.

Un deuxième problème tient au fait que les institutions culturelles soutiennent très peu les spectacles de danse jazz. C’est en partie lié à ce manque de dynamique collective.

«Il y a un vrai problème de la connaissance de l’histoire et de la culture jazz. Forcément, si les pouvoirs politiques ne connaissent pas cette culture, ils ne peuvent pas la défendre», constate Wayne Barbaste.

On est dans un cercle vicieux. La danse jazz n’a pas de visibilité. Elle ne suscite donc pas d’envie de la part des gens qui font la programmation. La danse contemporaine a suscité énormément d’intérêt de la part du ministère de la Culture. Ainsi elle a glané beaucoup de subventions. Le classique en a pâti, mais, par tradition, a quand même réussi à garder ses plus grandes compagnies. Mais le jazz, qui était déjà très peu présent, en a beaucoup souffert.

Un style pourtant bien vivant

La danse jazz française semble oubliée, pourtant, existe bel et bien, et elle est même très dynamique.

À défaut, c’est dans les écoles que se déploie tout le potentiel créatif de la danse jazz. Les élèves sont nombreux à se tourner vers cette discipline.

À l’examen d’aptitude technique, c’est la danse jazz qui, avec 260 candidats reçus, comptait le plus de lauréats. Le contemporain comptabilise 256 reçus, et le classique en compte 70 sur toute la France, DOM-TOM inclut.

Il y a un certain jazz aujourd’hui qui est propre à la France, et qui n’existe pas aux États-Unis.

Wayne Barbaste